Pourquoi voir votre infirmière d’abord comme une femme?

des roses malades ont besoin de soin

Infirmière, médecin, aide-soignante ou autre soignant, ces professionnels de santé débarquent un jour dans votre vie. Rarement choisis, ils entrent dans votre intimité au gré des aléas de votre santé. Comme la plupart des femmes de ma génération, j’ai eu affaire à eux avec plus ou moins de satisfaction. Plutôt plus que moins, je dois dire. Et, comme professionnelle de santé, je connais aussi les attitudes qui entravent la relation d’aide.
Je considère que, dans le soin, comme dans tous les domaines, travaillent des professionnels compétents et d’autres moins, voire incompétents. Cependant je veux rendre hommage à tous ceux que j’ai côtoyés durant de nombreuses années, parce qu’ils font un métier exigeant et pas toujours valorisé.

La maladie fausse les rapports humains

La maladie, personne ne la souhaite et chacun voudrait s’en débarrasser le plus vite possible. Rien de plus normal.médicaments donnés par infirmière à un malade

La souffrance, et la diminution des capacités physiques, et parfois intellectuelles, rendent vulnérable. Cette vulnérabilité, le malade voudrait la cacher car elle va à l’encontre de l’injonction d’être performant portée par notre société. La souffrance absorbe toute l’énergie et rend bien souvent intolérant.
Alors, du soignant, le malade attend tout, mais surtout que la souffrance s’arrête et que tout redevienne comme avant.
Le malade est rarement patient, ironie du mot, alors que la guérison est généralement plus longue que la dégradation de l’état de santé.
C’est pourquoi, d’emblée, il peut y avoir inadéquation entre les attentes de l’un et les possibilités de l’autre.
Cette même différence entre l’attendu et le possible se retrouve d’ailleurs aussi envers les proches aidants. Ceux-ci, souvent non préparés à ce rôle de soignant qui leur tombe dessus, peuvent se retrouver complètement démunis face à une attente démesurée.
Le soignant doit aussi pouvoir soutenir le couple aidant-aidé dans ce challenge improbable.
Pour cela le soignant, quel qu’il soit, a besoin d’être reconnu lui-aussi dans son humanité.

Le soignant est un être humain comme les autres

Le professionnel de santé, quand il se présente au malade, se doit d’être dans sa posture de soignant. Cela veut dire qu’il doit être entièrement présent pour lui, à son écoute afin de mettre à sa disposition les compétences professionnelles qui sont les raisons de sa présence. Il est normal que le patient attende cela.
Cependant, l’infirmière qui vous réveille à 7h du matin, alors que vous vous êtes enfin endormie après une mauvaise nuit, est une femme comme les autres. Il est possible qu’elle soit partie tôt de chez elle alors que son enfant est malade, et qu’elle ne soit pas sure que la crèche l’accepte. Il se peut qu’elle soit en souci pour son père hospitalisé en urgence la veille.vieux père malade de l'infirmière

Et votre médecin, que vous avez attendu toute la matinée a peut-être dû gérer ce matin l’absence imprévu de sa secrétaire, et le plombier qui n’est toujours pas venu pour réparer la fuite d’eau dans son cabinet.
Quand mon médecin a une heure de retard dans ses consultations, je m’impatiente. Mais je sais aussi qu’il est possible qu’elle ait dû gérer un patient en crise suicidaire. Ce genre d’urgence ne s’expédie pas en 10 minutes de consultation.
J’ai vu des soignants apporter un petit cadeau à une personne âgée à l’occasion de son anniversaire parce qu’aucun proche ne lui souhaiterait. J’ai su que des professionnelles travaillaient, comme si de rien n’était, alors qu’un deuil venait de les frapper. Je sais qu’une aide-soignante est revenue durant ces vacances de Noël auprès d’une patiente en fin de vie parce qu’elle lui avait promis d’être là. Pour ces personnes, le soin est d’abord une question d’humanité. Humanité envers les malades et envers les collègues qui peuvent être en difficultés en cas de sous-effectif.
C’est cette humanité qui fait le métier de soignant différent des autres. C’est elle que les deux parties dans la relation d’aide ne doivent pas oublier.

Faire un pas l’un vers l’autre

Certes, aucun professionnel de santé n’a de baguette magique ! Les personnes qui vous disent le contraire, et vous promettent guérison et longue vie, ne sont pas des professionnels de santé dignes de ce nom. Travailler sur la relation d’aide apporte l’humilité.
Pour que cette relation d’aide dans le soin soit la meilleure, et la plus efficace possible, il me semble important que chacun fasse un pas l’un vers l’autre.les mains croisées de l'infirmière
Des deux côtés, dire « Bonjour » avec un regard franc et un sourire est déjà une première étape.
Ensuite, le professionnel de santé, doit d’être à l’écoute de son patient, c’est-à-dire l’écouter réellement sans que son esprit soit occupé par ailleurs. De son côté, le patient doit exposer ce qui le préoccupe en essayant d’éviter les digressions et avec honnêteté. J’ai souvent demandé à des personnes si elles avaient dit à leur médecin telle ou telle chose qui me paraissait importante pour leur prise en charge. Et souvent, elles m’ont répondu que non. Elles avaient oublié ou pas osé dire. Comment le médecin peut-il deviner ?
Le professionnel de santé n’est ni un juge, ni un devin. Il a besoin de faits, de symptômes.

Je conseille de noter au préalable de la visite ce qui vous paraît important ou moins important à signaler, que ce soit au médecin, à l’infirmière ou à une aide-soignante le cas échéant. Le dire à une personne vaut mieux que ne pas dire du tout. Le soin de déroule avec des outils de liaison et de coordination qui sont garantis par le secret médical.femme malade qui consulte internet
Aujourd’hui, le patient va sur le net. Cette donne a changé les relations dans le soin. Le problème est que, si cette pratique peut permettre de gagner en information, elle entraîne aussi des dérives de désinformations et un risque de défaut de soin. Dans le domaine de la santé la prudence est plus que jamais de mise. En revanche, dire que vous avez lu telle ou telle chose sur internet, et demander son avis à l’infirmière ou au médecin peut permettre de clarifier certains points et vous rassurer. Les professionnels savent que les patients vont sur le net. Ils l’ont intégré dans leur pratique.

Du côté du professionnel, il est aussi important de considérer le patient comme un partenaire du soin, c’est-à-dire de l’informer. Cette information concerne le traitement, les effets attendus ou secondaires possibles, l’évolution attendue. Elle doit être donnée au proche si nécessaire. Vous pouvez légitimement la demander si besoin.

L’alliance thérapeutique pour un soin de qualité

Un dernier point paraît primordial dans une relation de soin amenée à se prolonger.  Je ne parle pas d’une grippe ou d’une blessure superficielle. Il concerne ce que dans le jargon nous appelons l’alliance thérapeutique. Celle-ci fait appel à la confiance mutuelle entre les deux parties. Ainsi, un professionnel de santé qui ne se sent pas en capacité d’aider un patient, pour des raisons qui lui appartiennent, devrait pouvoir passer le relais à un confrère. De même, un malade, qui ne se sent pas à l’aise avec un soignant, devrait pouvoir le dire sans que cela soit perçu comme un jugement de compétences. Il pourrait alors être confié à un collègue. Avant d’en arriver là, il est souhaitable de dire ce qui ne va pas, à la personne elle-même ou son supérieur hiérarchique. Une relation de soin assise sur un malentendu, ou un non-dit, est faussée d’avance. Et, in fine, si cela vous semble préférable, vous pouvez changer de médecin ou de soignant. Cette possibilité est inscrite dans le Code de la Santé Publique. Je comprends néanmoins que la démarche ne soit pas facile.

Remercier pour clore ou maintenir la relation

Ma génération, comme les précédentes et les suivantes, je l’espère, a appris à dire « Merci ». Ce petit mot est à mon sens un sésame dans le soin. Même si l’infirmière ou l’aide-soignante est rémunérée pour faire le soin, lui dire simplement « merci » est un plus qui s’inscrit profondément dans vos humanités respectives. Vous pouvez la remerciée de vous avoir touchée avec bienveillance, d’avoir amenée son sourire et sa joie de vivre, d’avoir perçu votre détresse, de vous avoir distraite le temps du soin.serviette galets soins de l'infirmière
Un jour, un proche m’a dit ne pas savoir s’il pouvait remercier un service de soin hospitalier et comment le faire. Je lui ai dit qu’il pouvait écrire une petite carte avec toute sa sincérité, donner du café, des petits gâteaux ou toute chose qui agrémente les pauses nécessaires à un travail continu, de jour comme de nuit. Par ailleurs, il est toujours possible de demander à un membre du service ce qui est le mieux apprécié.

J’ai parlé dans cet article plus précisément de l’infirmière et du médecin mais il est évident que mon propos concerne tous les professionnels du soin. Je ne connais aucun professionnel de santé qui trouve son compte dans des cadences qui font ressembler le soin à un travail à la chaîne, et le déshumanise.
Pour finir, sachez que vous ne serez pas plus ou moins bien traitée parce que vous avez remercié ou pas. En revanche vous aurez échangé plus d’humanité si vous n’avez pas oublié que l’infirmière est une femme comme les autres.

Au fait, elle ne vous a pas dit mais elle est en rémission d’un cancer du sein…

Pour commenter, c’est ci-dessous.

Partager