Pourquoi les proches aidants ont besoin de reconnaissance

une femme seule regarde la lumière pour trouver du courage de vivre sa vie d'aidante

Qui sont les aidants?

Ma vie professionnelle m’a amenée à rencontrer de proches aidants, dans les services de soins hospitaliers ou dans leur quotidien. Un certain nombre de fois, en vue d’articles dans la presse ou à la radio locale, des personnes m’a demandée de définir les aidants. J’avais coutume de dire :« Un aidant ? C’est vous, c’est moi. Chacun de nous peut être aidant à un moment de sa vie ». Il est clair que, tant qu’on y est pas confronté, la question de la reconnaissance ne se pose pas. J’ai trouvé d’ailleurs fort instructive la vision du grand public sur les aidants que montre l’Association Française des Aidants dans son micro-trottoir. Voir la video.

Une personne âgée dépendante caresse un chat qui est sur ses genouxLe monde des aidants, j’y suis entrée il y a plusieurs années. Les aidants m’ont beaucoup appris et je pense, humblement, leur avoir apporté aussi des bribes d’encouragement, d’empathie, de soutien. Pour expliciter comment la société française identifie les aidants je préfère vous donner tout simplement la définition de la COFACE (Confédération des organisations familiales de l’Union européenne) : Le proche aidant est «la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes, notamment : nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques, …».

Quelle différence entre proches aidants et aidants professionnels?

Cette notion d’absence de contrepartie financière est importante car elle différencie les proches aidants des professionnels de l’aide. J’attire votre attention sur ceux-ci (souvent celles-ci) qui font un travail remarquable, sous-payés et absolument pas reconnus. Ils font économiser énormément d’argent à la société en permettant le maintien à domicile. Ce dernier est beaucoup moins coûteux que l’institutionnalisation, et surtout, il répond au désir le plus fréquent des personnes de vivre chez elles. Mais les professionnels, justement, sont des professionnels. Ils ont leur vie, et, même s’ils font preuve de grandes qualités, ils ne sont pas dépendants d’une relation affective, et cela change tout. J’ai rencontré aussi de ces professionnels qui disent que, bien qu’ils aient l’habitude de s’occuper des autres dans leur métier, avec leur conjoint ou leur parent, ce n’est pas pareil. Ils ne savent pas mieux faire que les autres… sous-entendus les non-professionnels.

Quand la relation naturelle entre deux personnes devient relation d’aide

une enfant handicapée est avec son fauteuil en haut d'un escalierLa relation d’aide, tous s’y trouvent confrontés sans l’avoir envisagée, sans s’y être préparés. Comment pourrait-il en être autrement ? La vie suit son bonhomme de chemin, et puis, tout d’un coup, c’est le grand saut. Patatras, et tout dégringole. Un accident, une grave maladie, un enfant né différent, et la vie qui prend un tout autre chemin que celui qui était prévu. Personne n’est prêt à ça !

 

Ou bien, avec l’avancée en âge, fait inéluctable, les proches plus anciens, et souvent les parents, deviennent vieux. Et la vieillesse majore le risque de maladies, et leur corollaire, la dépendance. Celle-ci s’installe doucement, inexorablement, et un jour l’aidant se demande comment il a pu se faire piéger ainsi.

Quelques chiffres (Fondation April):

  • 11 millions de personnes
  • 80% moins de 64 ans et 8% moins de 25 ans
  • 66 % de femmes et 44 % d’hommes
  • 85% pour membre de la famille et 44% leurs parents
  • 53% pour une proche dépendance due à l’âge
  • 18% pour > 20h par semaine et 31% aident 2 proches
  • 15 % vivent avec l’aidé 18% proche institution
  • 58 % ont une activité professionnelle

Pourquoi la relation d’aide est-elle difficile?

La relation d’aide, vous savez quand elle commence mais jamais quand elle va finir ! Et c’est cela qui la rend si difficile à vivre. Quelques semaines ? Des mois ? Des années ?

Chaque situation est singulière mais pourtant c’est toujours les mêmes sentiments qui animent les proches aidants.

Et justement, ces émotions, qu’est-ce qu’elles sont difficiles à gérer ! Difficiles, parce que souvent négatives. Et les émotions négatives notre société ne nous encouragent pas à les exprimer et à les accepter. Il est de bon ton de les nier, de les cacher.

Et pourtant elles sont là, et peuvent rendre la vie encore plus compliquée alors que ce n’est vraiment pas nécessaire. Comme il n’est pas possible de les hiérarchiser, qu’elles ne sont pas toutes présentes, ni obligatoires, je citerai en vrac : la tristesse, l’impuissance, le déni, le désarroi, la peur, la perte de l’image idéale, l’abandon, la trahison, la solitude, l’isolement, l’épuisement. Et puis, au-dessus de la mêlée, celle qui revient toujours et encore : la culpabilité.

La culpabilité fait que vous pensez ne jamais en faire assez. Cette impression vous mène à accepter l’inacceptable pourtant présent en votre moi profond. Ce refus non reconnu peut vous entraîner inexorablement vers l’épuisement, et le point de rupture.

Comment réagir avant qu’il ne soit trop tard?

Vivre des émotions contradictoires est normal, mais vous n’êtes pas obligé(e) d’accepter tous les actes, toutes les difficultés générés par la relation d’aide.

Un aidant épuisé n’est pas un bon aidant. Les personnes dépendantes sont souvent des « éponges » et sentent quand cela ne tourne pas rond. Et de « normale » la relation peut devenir invivable. Vous pouvez éviter cela, car personne n’y gagnera : ni vous, ni votre proche.

Alors écoutez-vous, sentez les signaux que votre corps vous envoie, ne cherchez pas à refouler vos émotions même si elles sont négatives. Tout cela vous le vivez car vous êtes humaine. Quand vous sentez que ça commence à déraper, n’attendez pas une dégradation de la situation impossible à rattraper. Faites-vous aider ! Il existe des professionnels, des associations, des sites internet où vous pouvez trouver des moyens de mieux gérer votre situation. Renseignez-vous auprès de votre conseil départemental, de votre médecin, des associations de patients, de votre entourage, des solutions existent. Elles ne transforment pas des difficultés d’un coup de baguette magique en situation idyllique mais si elles peuvent alléger la charge, c’est déjà beaucoup !

Pour terminer, je voudrai vous citer cette aidante pour qui la relation d’aide n’a pas été simple, mais qui, pourtant disait que, grâce à son implication auprès de son père vieillissant, elle avait trouvé un père, celui qu’elle n’avait pas eu durant toute sa vie d’avant. N’est-ce pas un beau cadeau ?

Un veil homme marche seul aidé d'une canne sur une route de campagne

 

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