Connaissez-vous le paradoxe de la nutrition?

la paradoxe de la nutrition: vouloir aimer son corps et lui faire mal

Comment la nutrition peut-elle être un paradoxe? Manger est un acte fondamental pour vivre. Pourtant il génère mille fois plus de divergences de comportement que l’acte de respirer par exemple, pourtant du même degré vital à court terme.

Obésité contre dénutrition

Bizarrement, alors que je suis diététicienne depuis plus de 35 ans, écrire sur la nutrition ne m’est pas facile. En effet je suis tiraillée par ce paradoxe, largement éprouvé dans ma vie professionnelle et qui entre sans arrêt en collision dans ma vie personnelle également.

une nutrition peut conduire à l'obésité des enfants

 

N’est-ce pas incompréhensible que dans une société comme la nôtre, c’est-à-dire une société de consommation et d’opulence, de voir de plus en plus d’enfants obèses et de plus en plus de personnes âgées dénutries ?

la nutrition des personnes âgées devient dénutrition

 

N’est-ce pas scandaleux de voir l’argent dépensé pour des régimes aberrants, des produits qui n’ont de miraculeux que leur capacité à faire maigrir votre porte-monnaie? Est-ce réaliste de proposer des séjours detox où les participants paient pour ne pas manger, alors que des personnes à notre porte font la manche pour quelques pièces de monnaie pour manger ?

La quête du poids supposé idéal: un MPDR (méga problème de riche) ? Pas aussi simple !

Quand la nutrition est impossible

Beaucoup de personnes associent le métier de diététicienne à régime, celui-ci étant obligatoirement amaigrissant, voire depuis quelques années « sans » (sans gluten, sans lactose,…). Or c’est très réducteur. J’ai rencontré aussi dans ma pratique professionnelle des patients, jeunes parfois, pour qui manger était devenu impossible car interdit au nom de leur survie. Je vous parlerai d’une jeune femme rencontrée en service de gastro-entérologie.

Celle-ci, que je vais appeler Sarah*, était âgée d’une vingtaine d’années et souffrait d’une maladie chronique qui touchait son tube digestif (une de ces maladies appelée MICI pour Maladie Inflammatoire Chronique de l’Intestin). De périodes d’accalmie en périodes de poussées incontrôlables et douloureuses, son état général se dégradait et la vie « normale » était devenue impossible. Sarah était hospitalisée une nouvelle fois mais son état nécessitait une mise au repos complet de son intestin. Cela signifiait aucune alimentation traditionnelle et une nutrition artificielle durant plusieurs semaines.  Elle a passé des semaines, alimentée ainsi, sans qu’aucun aliment ne puisse franchir ses lèvres.

quand la nutrition c'est rêver de manger son fruit préféré

Vous imaginez-vous ce que cela signifie de ne pas pouvoir manger ? Pouvez-vous vous projeter dans une vie où vous devrez refuser à votre corps le droit d’être tenté par l’odeur d’un café, le craquant d’un biscuit, la vue de votre plat préféré… et même d’un plat que vous aimez moins ! Comment vit-on psychiquement cette période de vie sans manger ? J’ai du mal à l’imaginer.

Durant mes années dans les services hospitaliers j’ai rencontré un certain nombre de patients qui ne pouvaient plus manger, pour des raisons diverses, mais jamais l’un d’eux n’a évoqué les restrictions que d’autres s’imposent pour des raisons esthétiques. Ils étaient certainement trop concentrés sur leur survie. Car c’est bien de cela dont il s’agit avant tout : manger pour vivre, et vivre pour pouvoir manger de nouveau.

Quand la nutrition devient souffrance

J’ai peu exercé mon métier de diététicienne auprès des personnes  en surpoids ou obèses. Aux USA un groupe de 4 jeunes femmes obèses Malgré cela, j’ai beaucoup de compassion pour les personnes qui dépassent les normes médicales, celles que leur IMC (Indice de Masse Corporelle) classe comme personnes à risques, celles pour qui la balance est un instrument de torture psychologique. Je m’imagine leur vécu, leurs difficultés dans leur vie quotidienne, parce qu’il n’y a pas que l’esthétique qui les gène. J’entrevois leur combat intérieur de se sentir sans arrêt pris entre 2 feux : manger ou résister. J’admire les personnes obèses ou en surpoids qui parviennent à des résultats satisfaisants en terme de santé et d’image, car je sais combien le prix de cette lutte est élevé. Je sais aussi combien il est difficile d’accepter de se faire aider, combien le combat est durable et les résultats jamais définitivement acquis.

Quand la nutrition est une affaire sociale

L’être humain est un être social, pas un individu fait pour vivre seul. Chacun de nous aspire à vivre dans une société dans laquelle il pourra fréquenter et échanger avec ses semblables. Mais cette vie en société impose des règles et des normes. C’est ainsi.

Selon les époques, les pays et les cultures, il faut entrer dans tel ou tel moule. une femme assume sa silhouette et son poids et va se baignerIl faut être dans une norme qui n’a pas toujours à voir avec des préoccupations de santé. Cette norme attribue une place, permet de faire partie d’un groupe où l’individu est sensé s’épanouir. Curieusement, et humainement, personne n’a envie de se démarquer du groupe, de se faire remarquer comme étant différent. Il en est du poids comme d’autres caractéristiques physiques. Il faut être mince, signe de bonne santé et de bonheur. Enfin, c’est ce que, plus ou moins consciemment, nous pensons. Pourtant, est-ce qu’un poids dans la norme assure le bonheur ? Est-ce qu’être mince nous rend beau et désirable, plus riche et plus heureux en amour, nous garantit une bonne santé ? Non, vous le savez bien.

Depuis 2017, la loi est entrée dans les défilés de mode. Elle vise à exclure les mannequins trop maigres afin de ne pas favoriser les phénomènes d’identification. Je n’ai pas beaucoup vu de différences avec les années précédentes … Mais franchement, arrivez-vous à vous projeter en ces jeunes femmes maigres, aux mains osseuses et clavicules saillantes ?

J’aime les beaux vêtements. Je regarde un défilé de haute couture comme un spectacle. Mais nous ne jouons pas dans un spectacle dans notre vie de tous les jours. Nous sommes des êtres de chair et de sang, avec un physique hérité de notre génétique et de notre vécu. Nous sommes différents.

un mannequin maigre dans un défilé

C’est bien ça notre richesse et celle de la société. Pouvez-vous imaginer un monde où tous les êtres humains seraient pareils, où tous aimeraient les mêmes choses ? Quelle tristesse !

La nutrition pour se nourrir et vivre

Dans la vraie vie, il y a des grands, des petits, des blonds, des rousses, des personnes à peau noire, des personnes avec des grands pieds, des maigres de constitution et des plus enrobés,…. Cette diversité participe à la richesse de notre société.

Ce qui compte, c’est d’être dans une fourchette de poids normée, non pas par des critères esthétiques mais par des critères de santé en lien avec son âge. Être en surpoids entraîne un risque sur sa santé. Mais, être maigre, expose aussi à des risques non négligeables. Alors soyez indulgente avec vous-même. Arrêtez de vous priver au nom d’un idéal qui n’a pas de sens. Ne vous projetez pas dans une autre vie que la vôtre. Au final, c’est toujours dans la vôtre que vous serez.

Une femme qui s'assume

Alors, avant de vous lancer dans une nouvelle tentative de perdre du poids par un régime miracle, réfléchissez. Avant d’acheter des compléments alimentaires allégeant pour votre porte-monnaie, ou de vous soumettre à des restrictions qui vous laisseront déprimée et rasante pour votre entourage, posez-vous les bonnes questions. Evitez de confondre l’objectif et les moyens.

Pour cela vous pouvez vous faire aider mais ne confiez pas votre santé et votre qualité de vie à n’importe qui. Renseignez-vous auprès de vos proches, auprès de divers professionnels de santé auxquels vous faites confiance. Et surtout, méfiez-vous des personnes qui vous promettent monts et merveilles.

La santé est notre bien le plus précieux, alors ne la bradez pas ! Vous valez mieux que d’être considérée comme un produit.

 

Une serre qui représente un chemin de liberté

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